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Note sous Conseil d’Etat, 2 février 2015 n°373259

Les praticiens hospitaliers ont la possibilité, s’ils le souhaitent, d’accomplir des heures supplémentaires dénommées “temps de travail additionnel” (TTA) et de travailler ainsi au-delà de leurs obligations statutaires. Le TTA ainsi accompli peut faire l’objet soit d’une récupération soit du versement d’indemnités de participation à la continuité des soins soit d’indemnités de temps travail addtitionnel (art. R6152-27 du code de la santé publique). En pratique, certains praticiens hospitaliers effectuent de nombreuses heures de TTA qui donnent lieu le plus souvent au versement d’indemnités. Celles-ci représentent ainsi pour certains une part non négligeable de leurs revenus.

L’ancien Président de la République Nicolas Sarkozy avait souhaité favoriser l’accomplissement des heures supplémentaires et complémentaires ainsi que les heures de travail issues du temps de travail additionnel, et ce, aussi bien pour les salariés du secteur privé que pour les agents du secteur public. La loi du 27 août 2007 dite TEPA (en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat) avait ainsi modifié l’article 81 quater du code général des impôts pour permettre la non-imposition sur le revenu des éléments de rémunération issus de l’accomplissement de TTA. Il était ainsi prévu spécifiquement que le dispositif s’appliquait aux agents publics (ancien article 81 quater I 5° du CGI), catégorie à laquelle appartiennent les praticiens hospitaliers bien qu’ils ne soient pas soumis aux statuts de la fonction publique mais à un statut fixé dans le code de la santé publique (article R6152-1 et suivants du code de la santé publique). Un décret du 4 octobre 2007 était venu en préciser les modalités d’application de cette disposition. Il fixait ainsi la liste des heures supplémentaires, complémentaires et les temps de travail additionnel concernés. Toutefois, le décret ne visait pas le temps de travail additionnel des praticiens hospitaliers.

Ces dispositions ont été finalement abrogées par une loi du 16 août 2012.

Lorsque ces dispositions étaient en vigueur, il existait une application de ce texte par les centres des finances publiques qui n’était pas homogène, certains appliquant l’exonération d’imposition des éléments de rémunération perçus par les praticiens hospitaliers au titre du temps de travail additionnel d’autres non. Il a même été constaté que certains centres des finances publiques appliquaient le texte pour certains PH et pas pour d’autres alors même qu’ils exerçaient dans le même service. D’où l’impression d’une application injuste de la loi pour les praticiens hospitaliers.

Cette application inégale du texte s’est retrouvée aussi devant les juridictions administratives.

Ainsi, les Cours administratives de Douai (16 octobre 2012, n°11DA01323) et de Bordeaux (21 mai 2013, n°12BX00906 et n°12BX00779 ; 22 octobre 2013, n°12BX02527) estimaient que les praticiens hospitaliers n’entraient pas dans le champ d’application de l’exonération d’imposition.

En revanche, les cours administratives d’appel de Lyon (24 septembre 2013, n°12LY00065) , de Nancy (26 juin 2014, n°13NC00149 et n°13NC00150 ; 02 octobre 2014, n°13NC01748, n°13NC01749, n°13NC02276, n°13NC02277, n°13NC02278 et n°13NC02279 ) et de Paris (25 septembre 2014, n°14PA00102, n°14PA00103, n°14PA00107, n°14PA00112) estimaient que l’exonération d’imposition était applicable aux praticiens hospitaliers.

Le Conseil d’Etat a finalement tranché le 2 février 2015 en considérant que la défiscalisation du temps de travail additionnel était bien applicable aux praticiens hospitaliers qu’il soit à temps plein ou à temps partiel confirmant ainsi la position de la Cour administrative d’appel de Lyon (Conseil d’Etat, 2 février 2015, n°373259):

“ Considérant, en premier lieu, qu’il résulte des termes mêmes de ces dispositions que l’exonération de l’impôt sur le revenu s’appliquait à l’ensemble des agents publics titulaires ou non titulaires ; que, les praticiens hospitaliers à temps plein ou à temps partiel qui ont la qualité d’agent public, entraient donc dans le champ de cette exonération de l’impôt sur le revenu, alors même qu’ils ne sont pas régis par la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ; que, dès lors, la cour administrative d’appel n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que les dispositions citées au point 2 s’appliquaient aux praticiens hospitaliers à temps plein des hôpitaux publics

Le contentieux s’est ensuite déplacé sur la question justification par les praticiens hospitaliers du temps de travail additionnel accompli. En effet, l’article 2 du décret du 4 octobre 2007 exigeait l’établissement par l’employeur, c’est-à-dire le Centre hospitalier, d’un document indiquant pour chaque cycle de travail, le quadrimestre pour les praticiens hospitaliers, du nombre d’heures supplémentaires accomplies. Cette exigence était destinée à vérifier que le temps de travail additionnel a effectivement été réalisé. Toutefois, les centres hospitaliers n’ont pas toujours établi de tels documents dans les conditions exigées par ce texte. De plus, le temps de travail additionnel ne s’effectue pas systématiquement sous forme d’heures supplémentaires  mais aussi sous forme de plages de temps avec souvent une distinction jour / nuit.

Ainsi, faute de justifier d’un document conforme à l’article 2 du décret du 4 octobre 2007, les juridictions administratives ont rejeté des demandes de réduction d’imposition concernant des rémunérations issues du temps de travail additionnel perçues par les praticiens hospitaliers (voir, par exemple, Cour administrative de Nantes, 17 décembre 2015, n°14NT01100; Cour administrative d’appel de Bordeaux, 6 juin 2017, n°15BX02068).

Certaines juridictions ont estimé que l’indication sur le document du nombre d’heures accomplies au titre du temps de travail additionnel avec l’indication de la rémunération nette suffisait même si elle n’était pas mentionnée pour chaque mois dès lors que l’administration fiscale ne contestait ni la réalité de ces heures ni leur caractère supplémentaire (voir, par exemple, Cour administrative d’appel de Marseille, 10 novembre 2015, n°14MA02029).

En tout état de cause, les derniers quadrimestres déficalisables sont les deux premiers de l’année 2012 en raison de l’abrogation de la loi TEPA par la loi du 16 août 2012.

Toutefois, le gouvernement actuel a mis au programme d’instituer à nouveau la défiscalisation des heures supplémentaires. Il s’agissait d’une promesse du candidat Emmanuel MACRON. Mais pour quand? En effet, une telle mesure présente un coût très élevé pour un gouvernement qui a à coeur de réduire les dépenses de l’Etat. Ainsi, le retour de la défiscalisation du temps de travail additionnel pour les praticiens hospitaliers apparaît très certain et n’est vraisemblablement pas pour tout de suite.