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Le Conseil d’Etat a été interrogé par le tribunal administratif de Nancy sur le fait de savoir si, dans le cadre d’une demande de délivrance d’une carte de séjour vie privée et familiale en qualité d’étranger malade, l’avis des médecins de l’Office français de l’immigration et de l’intégration constituait une garantie et si l’absence d’échanges entre ces médecins affectait la légalité de la décision de refus de délivrance du titre de séjour prise par le préfet.

Rappelons qu’au titre de l’article L425-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile « L’étranger, résidant habituellement en France, dont l’état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l’offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d’un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention  » vie privée et familiale  » d’une durée d’un an. (…) La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l’autorité administrative après avis d’un collège de médecins du service médical de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d’Etat. »

L’article R425-11 du même code précise que « Pour l’application de l’article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention  » vie privée et familiale  » au vu d’un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l’Office français de l’immigration et de l’intégration.  L’avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l’immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d’une part, d’un rapport médical établi par un médecin de l’office et, d’autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d’un traitement approprié dans le pays d’origine de l’intéressé. »

La jurisprudence administrative considère qu’un vice de procédure ne suffit pas à affecter la légalité d’une décision administrative. En effet, depuis l’arrêt du Conseil d’Etat Danthony de 2011, un vice de procédure « n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garanti »[1]. Ce principe a déjà été appliqué concernant une décision rejetant une demande de délivrance d’une carte de séjour pour un étranger malade dans lequel la régularité de l’avis médical était mise en cause[2].

Toutefois, depuis la réforme de 2016 qui confie désormais l’établissement de l’avis médical à trois médecins de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, la haute juridiction administrative n’avait pas eu l’occasion de se prononcer sur la régularité de cet avis concernant la manière dont ces trois médecins délibèrent.

Dans son avis contentieux du 25 mai 2023[3], le Conseil d’Etat est venu estimer que l’avis rendu par trois médecins constitue une garantie mais que l’absence d’échanges écrits ou oraux sur les réponses apportées par chacun des médecins aux questions n’affecte la régularité de l’avis et, par suite, la légalité de la décision prise par l’autorité préfectorale au vu de cet avis.

Une telle appréciation est discutable puisque selon les dispositions de l’article R425-23 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile « Le collège peut délibérer au moyen d’une conférence téléphonique ou audiovisuelle ». Si le collège peut délibérer ainsi, c’est donc bien qu’il y a un échange entre les médecins membres du collège. L’absence d’échanges entre les médecins devrait donc logiquement affecter la régularité de la procédure concernant l’avis qui constitue une garantie et par suite affecter la légalité de la décision du préfet concernant la demande de carte de séjour d’un étranger malade.


[1] Conseil d’Etat, Assemblée, 23, décembre 2011, Danthony, n°335033, Leb.

[2] Cour administrative d’appel de Lyon, 12 avril 2012, n°11LY02230, classé en C+

[3] Conseil d’Etat, avis contentieux, 25 mai 2023, n°471239, Leb.