La jurisprudence considère que le directeur d’un établissement hospitalier peut suspendre à titre conservatoire un praticien hospitalier lors de circonstances exceptionnelles mettant en péril la continuité du service et la sécurité des patients[1].
Dans l’espèce objet de a présente note, un praticien hospitalier avait fait l’objet d’une suspension conservatoire par le directeur du centre hospitalier de Provins dans lequel il était affecté au motif qu’il avait agressé physiquement et verbalement la fille d’un patient, fait dont la matérialité était établie par un rapport établi à la suite d’une enquête réalisée en interne par l’établissement et par un rapport établi par l’agence régionale de santé. Il était en outre reproché au praticien de présenter des difficultés relationnelles et communicationnelles avec le personnel médical et paramédical et avec certains patients.
La Cour administrative d’appel de Paris a toutefois considéré, bien que l’agression de la fille d’un patient présentait un caractère grave, que le transfert du praticien dans un autre service a pu temporairement perturber le fonctionnement du service et que les difficultés relationnelles et communicationnelles aient pu générer des tensions dans le service, il n’était pas établi que l’agression de la fille d’un patient compromettait de manière grave et imminente la continuité du service et faisait courir un risque pour la santé des patients[2].
Sur ce point, la Cour a appliqué la jurisprudence bien établie selon laquelle la perturbation du fonctionnement du service ou de simples tensions ne suffisent à justifier la suspension conservatoire d’un praticien hospitalier par le directeur d’un établissement hospitalier. Encore faut-il que la continuité même du service soit mise en péril[3]
Dans cette espèce, le praticien hospitalier avait engagé la responsabilité du centre hospitalier de Provins, notamment pour le préjudice résultant de la perte de revenus liée à l’impossibilité d’exercer son activité libérale au sein de l’établissement à raison de sa suspension conservatoire. La Cour administrative d’appel de Paris fit droit à sa demande en l’indemnisant d’une somme de 20.000 euros. Pour calculer le montant du préjudice, le juge s’est fondéi sur une moyenne des revenus perçus au titre de l’activité libérale au cours des années précédant la suspension. Il convient de préciser que le droit à l’indemnisation du préjudice résultant de l’impossibilité pour le praticien illégalement suspendu par un centre hospitalier d’exercer son activité libérale au sein de l’établissement avait déjà été reconnu par la Cour administrative d’appel de Bordeaux[4].
[1] Conseil d’Etat, 4 décembre 2017, Centre hospitalier national ophtalmologique des Quinze-Vingts, n°400224, T. Leb. [2] Cour administrative d’appel de Paris, 21 avril 2023, n°2101650 [3] Conseil d’Etat, 5 février 2020, Pr. X c/ Centre hospitalier universitaire de Bordeaux, n°422922, T. Leb. : concernant la suspension d’une professeure des universités – praticien hospitalier assistée par Me Eric HALPERN [4] Cour administrative d’appel de Bordeaux, 15 novembre 2018, n°16BX03077